Établir une bonne collaboration entre les Ordres de Pharmaciens de différentes nations est très bénéfique pour nos populations respectives. Cette collaboration vise essentiellement les échanges d’expériences et d’informations dans le secteur pharmaceutique. C’est dans ce cadre que s’inscrit le bien-fondé de la participation de l’Ordre de Pharmaciens RD Congolais au Forum Pharmaceutique de Dakar où le drapeau de la RDC était hissé plus haut. La sécurité et l’indépendance pharmaceutiques demeurent le centre d’intérêts de ce haut sommet des Pharmaciens de l’Afrique francophone. Telle est l’économie de l’entretien que le Pharmacien Glory Panzu, Président du Conseil de l’Ordre des Pharmaciens de la RDC, a accordé au Magazine Congodiplomatie. Veuillez retrouver ci-dessous l’intégralité de cette interview.
Congodiplomatie: Bonjour Monsieur Glory Panzu Pharmacien Glory Panzu: Bonjour Freddy.
CD: L’occasion nous est échue de nous parler de votre corporation et de son influence sur le quotidien des Congolais, en particulier et les Africains, en général. Nous vous remercions d’avoir accepté de répondre à notre demande d’interview. PGP: Merci à vous
CD: Plusieurs corporations professionnelles font beaucoup parler d’elles alors que celle des Pharmaciens est à la traine. Qu’est-ce qui justifie cette absence sur l’échiquier médiatique ?
PGP: On est bien évidemment sur certains médias. Ce qui est possible de confirmer est que l’on communique lorsqu’il y a nécessité. Certains médias diffusent les informations qu’ils tiennent de nous. Il est d’ailleurs permis d’aller sur la toile pour voire la production journalistique de vos confrères sur le président Panzu ou sur le Conseil de l’Ordre de Pharmaciens. On occupe évidemment l’espace médiatique, mais on ne peut pas passer sur tous les organes de presse.
CD: Pourriez-vous nous parler de vous et de votre ordre professionnel en détails ?
PGP: Là vous me recevez en tant que Président du Conseil de l’Ordre de Pharmaciens. Le Président du Conseil de l’Ordre de Pharmacies n’est qu’un simple pharmacien désigné et à qui on a confié les charges du Président national. Mon nom est Glory Panzu, donc, le Président de l’ordre national élu pour un mandat de cinq ans qui court jusqu’en 2025. L’Ordre des Pharmaciens du Congo est la corporation professionnelle des Pharmaciens du Congo créée en 1991 par ordonnance présidentielle. Nous en sommes à notre 32ème année d’existence. Nous avons certes connu beaucoup de difficultés. Mais depuis un certain, nous faisons du mieux que l’on peut pour remplir les taches qui nous sont confiées dans les textes qui portent la création de l’Ordre des Pharmaciens.
CD: Récemment la RDC a activement pris part la XXIIème édition du Forum Pharmaceutique International de Dakar. Quelles en sont les retombées bénéfiques pour la RDC ?
PGP: Le fait d’être déjà dans le concert de nations, cette représentation c’est déjà une bonne presse. Nous avons pu, à l’occasion de ce Forum tenu à Dakar du 1er au 4 juin, participer pour le compte de la RDC où nous occupons la première vice-présidence de l’IPA, c’est-à-dire l’Inter-Ordre des Pharmaciens d’Afrique. C’est une ’Organisation qui regroupe tous les Ordres francophones. En termes de bénéfices, on retient le partage d’informations ou le fait de recevoir de l’information. Le partage de l’information et de l’expérience nous est très bénéfique. En termes d’illustration d’information reçue, nous avons appris que la Guinée a pu réduire de 100 à 10 le nombre de dépôts ou ce qu’on appelle des centres de vente en gros. C’est très important comme on a autant appris que le Sénégal s’est assigné pour objectif d’atteindre la couverture santé universelle avec près de 50% de sa population à l’horizon 2035. En termes d’échanges d’expériences, nous leur avons aussi dit ce que nous faisons ici au pays. Le FPI a accouché de recommandations très pertinentes parmi lesquelles on note la coopération sud-sud. Une autre recommandation non des moindres reste, comme évoqué précédemment, la couverture santé universelle. Nous avons recommandé aux États membres d’accélérer et d’insister sur la production locale des médicaments et que ce développement puisse bénéficier des expériences des autres pays qui ont pu faire des avancées. Nous voyons ici le cas de l’Algérie, du Maroc voire de la Tunisie qui ne sont pas au top, mais ont fait des avancées significatives que nous. Le partage d’expériences est très important.
CD: La participation de la RDC était très importante à ce Forum Pharmaceutique International de Dakar. On parle d’une délégation d’environ trente personnes. A quand le Forum Pharmaceutique International de Kinshasa ?
PGP: Nous y avons pensé avant même d’aller à Dakar. Nous réfléchissons déjà à cette opportunité, car nous intéressons le gouvernement pour lui en faire part. Dakar était la XXIIème édition alors que la XXIIIème se tiendra à Niamey. Il convient de rappeler que nous avons organisé la Xème édition en 2010, ici à Kinshasa, au Palais du peuple. Donc on a déjà accueilli le Forum International Pharmaceutique en RDC. Personnellement, j’ai été présent. Nous avons en viseur les prochaines années 2025 ou 2026. Étant donné que le Forum est une organisation qui prend en compte la donne nationale, ce qui nous oblige d’avoir les pourparlers avec les pouvoirs publics. Nous voulons que le lendemain nous ayons le quitus ou la bénédiction du gouvernement afin d’aller solliciter auprès d’autres pays de nous accorder leur adhésion. Une fois que l’accord du gouvernement sera donné, nous pourrons facilement aller soumettre la candidature de la RDC auprès des autres pays membres du FPI pour pouvoir organiser ce Forum ici à Kinshasa.
CD: Dans quel sens les recommandations du Forum Pharmaceutique International de Dakar pourraient-elles influencer à court et à moyen terme la sécurité de la santé des populations africaines ?
PGP: je dirai par exemple en ce qui concerne la sécurité pharmaceutique de la production locale, c’est à long terme. Ce n’est pas demain que nous pourrons l’avoir. Si nous pouvons nous autosuffir à cause de la production locale qui vient de nous-mêmes. C’est très important, car ce sont vos propres frères qui vous garantissent la qualité. En second lieu avec les importations, les richesses vont à l’extérieur chez les fabricants chez qui nous importons. Si c’est localement que l’on produit les médicaments, cela permet à l’industrie congolaise de bien tourner. Aussi la couverture santé avec les produits importés semble trop utopique, la couverture santé universelle n’est pas l’ouvre de l’Etat. C’est la population qui va contribuer avec son argent. Dans ce cas la population doit contribuer pour aider ses propres frères ou d’autres pharmaciens congolais qui ont investi au pays, et non contribuer pour enrichir d’autres nations ou les étrangers.
CD: Vous avez dit le Forum Pharmaceutique International se tiendra à Niamey en 2024, au Niger. A cette occasion, la RDC y occupera le poste de vice-présidence. Qu’elle message apportera-t-elle à la XXIIIème édition du sommet de Niamey ?
PGP: Nous sommes déjà à la vice-présidence et nous y serons encore. Présentement, je ne sais pas quel message je donnerai au FPI de Niamey. Généralement le Forum se tient au mois de juin. Nous avons encore près d’une année et nous sommes en train de travailler et recommander au gouvernement de faire des choses même aux pharmaciens à pouvoir s’impliquer. Je suis sûr et certain que vers avril-mai 2024, on aura réalisé des choses qui nécessitent que l’on puisse en parler. En une année, beaucoup de choses peuvent se faire, des mesures peuvent être prises, beaucoup de résultats peuvent être enregistrés et observés sur terrain.
CD: Au pays nous avons très peu de compatriotes pharmaciens qui ont marqué d’une empreinte l’histoire de la RDC dans le domaine de médicaments. Ils sont à compter aux bouts de doigts. Sans vouloir omettre certains, je souhaiterais citer le Pharmacien Tondele-inventeur de meyamicine et autres, aussi le Flaubert Batangu Mpesa, Fondateur de manalaria, manadiar, manacovid et autres. Qu’est-ce qui la timidité productive de pharmaciens congolais alors qu’ils en ont les compétences nécessaires ?
PGP: j’aimerais répondre en ces termes: le secteur pharmaceutique a plusieurs activités. Le Pharmacien n’est pas appelé à faire la publicité de sa propre personne. Gloire à Dieu et heureusement vous avez parlé de deux aînés dont les noms sont restés gravés par la publicité de leurs inventions médicamenteuses. Ils sont identifiés comme des inventeurs ou fabricants ou encore qu’ils sont derrière ces produits. Connaître qui a inventé un produit, cela rentre dans l’apanage du domaine savant. Donc, cela concerne le domaine purement scientifique et non le commun de mortel. Concernant les médicaments que nous consommons, seuls les scientifiques savent au moins qui a produit le médicament. Niferinol, par exemple, est l’œuvre d’un pharmacien congolais que plusieurs d’entre vous ne connaissent pas. C’est l’œuvre de la Pharmacienne….., collyre…., des produits ORL, des produits Indobis…il y a tant de produits comme çà. Au finish ce n’est pas toujours nécessaire de connaître le nom de l’auteur du produit, car le résultat qui importe. Là j’ai évoqué quelques pharmaciens qui ont fabriqué des produits consommés par vous, mais dont vous ne connaissez pas les noms. Le cas le plus patent est celui de Niferinol inventé et produit par le congolais, mais que vous ne connaissez pas. La liste des pharmaciens congolais qui produisent des médicaments est très longue même si elle ne peut pas atteindre 500. Les Pharmaciens congolais ne dorment pas, ils travaillent durement pour servir la population. En dehors de ça, il y a des médicaments qui ne sont pas propres aux congolais, mais qui sont produits dans les vingt-deux unités de production ici à Kinshasa par les Congolais. Le produit fait sa propre publicité, et non le pharmacien faire sa propre publicité. Ce n’est pas autant mal si les gens s’informent sur le produit en voulant savoir son fabriquant. C’est important est de savoir que les pharmaciens ne sont pas distraits et ne dorment pas sur leur oreillers. Il convient d’admettre que l’Etat congolais ne facilite par les recherches et ne facilite pas non plus l’investissement des congolais, encore moins l’émergence de pharmaciens congolais. Comme les initiatives ne tarissent pas, nous continuons à regrouper les pharmaciens entrepreneurs et chercheurs pour voir dans quelle mesure ils peuvent être soutenus par les instruments techniques mis en place par le gouvernement pour accompagner l’entrepreneuriat ou l’investissement par le financement des entrepreneurs ou des industriels congolais. Les contacts avec les structures publiques sont tellement avancés comme le FPI, l’ANAPI; FOGEC, ANAPEX, etc
CD: Au niveau continental, on vient de mettre en place l’Agence Africaine des médicaments dont le siège se trouve à Kigali, au Rwanda. Monsieur Glody Panzu, pourriez-vous nous confirmer que la RDC a aussi ratifié le traité portant création de cette agence ?
PGP: Bien sûr, l’Agence Africaine de Médicament a été mise en place. Mais chez nous, au plan local, l’Agence des médicaments a été créée par la loi fixant les principes fondamentaux de 2018. C’est en 2020 que l’agence a été créée par un décret du premier Ministre et ce n’est qu’en septembre 2022 que les animateurs de cette agence à savoir DG, PCA, bref la direction générale et le conseil d’administration ont été nommés pour animer cette agence. L’Agence est en train de s’installer.
Concernant l’Agence africaine de médicaments, nous sommes partie prenante dans cette thématique. Mais le parlement congolais n’a pas encore fait passer le traité portant création de l’AMA, car c’est d’elle qu’il s’agit ou encore il n’a pas jusqu’ici voté la loi de ratification qui sera promulguée par le Président de la République. Cependant, je profite de cette occasion pour recommander aux autorités accélérer l’adoption au niveau du parlement de cette loi, car c’est un instrument technique mis en place par l’Union africaine dont nous sommes membre à part entière.
CD: cette nouvelle structure panafricaine est à l’étape embryonnaire. Elle finira par décoller, elle, que l’on qualifierait de l’œil de l’Union Africaine sur la qualité de médicaments comme cela fait partie de ses missions. Quelles en spécifiquement les missions ?
PGP: La question de santé entre les différents peuples dépasse parfois les frontières. Bien que nous produisons localement par les chercheurs ou les industriels. Mais, l’essentiel de notre consommation est importé. L’objectif, et surtout la recommandation formulée à l’endroit du gouvernement de favoriser la souveraineté pharmaceutique pour que nous soyons en même de produire la majorité des produits que nous consommons ici. A ce jour, essentiel de produits que nous consommons est importé. Déjà quand vous importez les produits, cela veut dire que tout ce que vous consommez passe par les frontières. On s’est rendu compte qu’il n’y avait pas d’interconnexion entre les services de contrôle des médicaments des pays. C’est pourquoi l’Agence est venue faciliter les échanges d’informations entre les Agences nationales au niveau d’Etats, mais également le partage d’expériences communes. En prenant l’exemple du Rwanda que vous avez précédemment cité qui abrite le siège de l’AMA, l’Agence du Rwanda et celle de la RDC devront mettre en place le mécanisme de contrôle du trafic des médicaments qui transitent entre les deux pays et ça devra être le cas de la plupart les États membres de l’Agence Africaine. C’est un aspect très important pour nous garantir un contrôle international et surtout l’échange des informations sur l’importation des médicaments.
CD: Dans quelle mesure comptez-vous contribuer à la concrétisation de la politique prônée par le Chef d’Etat sur la couverture santé universelle ?
PGP: la couverture santé est un objectif que s’est fixé le Chef de l’Etat et l’Ordre de Pharmaciens soutient cet objectif. L’Ordre des Pharmaciens est disposé et travaille mordicus pour voir dans quelle mesure les Pharmaciens congolais pourront aider le Chef de l’Etat à atteindre cet objectif au travers le gouvernement. Là nous voulons disponibiliser l’offre pharmaceutique de qualité permanente. Pour ce faire, nous sollicitons auprès de tous les partenaires publics et privés pour faire de sorte que, dans le cadre de missions qui nous sont dévolues, nous mettions en place des officines qui pourront servir tous les patients qui seront couverts par cette politique de la santé universelle
CD: Monsieur Glory Panzu, quel sera votre dernier à cet entretien ?
PGP: Mon dernier mot est celui de remerciement. Je tiens à vous signaler que dans le cadre de nos activités, nous menons des démarches d’ordre diplomatique pour établir la collaboration avec d’autres ordres professionnels qui sont d’abord francophones. Nous sommes en train de chercher d’établir la collaboration avec l’ordre des pharmaciens américain. Les pourparlers sont très avancés, car le rendez-vous du mois d’avril dernier a été reporté faute de visas. Pour ce qui est du Canada, ils étaient en grève. Ce qui a fait que le rendez-vous soit reporté à l’année prochaine. Pour le Canada le rendez-vous est déjà avec une thématique bien connue: la problématique de la pénurie de pharmaciens au Québec et en RDC et également le développement de la pratique officinale axée essentiellement sur les soins pharmaceutiques. Nous sommes en relation avec l’Ordre de la Tunisie et celui de l’Algérie avec qui nous échangeons, mais rien n’est encore établi comme le cas du Québec. Nous envisageons de contacter très bientôt la Belgique, la France et la Suisse. Pour les États-Unis, quand nous y étions dans le cadre de la conférence des Pharmaciens chrétiens, on n’a pas eu assez de temps. Mais, nous allons faire le mail de rappel dont nous attendrons la suite. Ainsi avec les anglophones, on peut, au travers des États-Unis, établir des échanges entre les deux corporations dans la diplomatie d’ordre professionnel.
CD: Nous vous remercions, Monsieur Glory Panzu.
PGP: merci beaucoup
Propos recueillis par Freddy Mutambayi.
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