La justice française va juger un des personnages mis en cause par le Rapport Mapping à savoir l’ancien seigneur de guerre, Roger Lumbala Tshitenga. Cet ancien homme politique congolais séjourne depuis plus de trois ans en France dont il a une citoyenneté et ce, après le départ de Joseph Kabila dont il a été à la fois collaborateur et opposant. La justice française, au regard de ses engagements envers le droit international et surtout humanitaire, s’est résolu de donner un écho favorable aux résolutions de ce fameux rapport  d’il y a plus d’une décennie.

Cependant Roger Lumbala, à l’époque chef du Rassemblement Congolais pour la Démocratie-Nationale, RCD-N, est notamment accusé d’avoir laissé ses hommes commettre des atrocités lors de l’opération dite «Effacer le tableau». Cette opération était lancée en octobre 2002 avec son allié, le Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba. Elle visait, en outre, à détruire d’autres groupes armés, mettre la main sur les richesses naturelles et contrôler un maximum de territoires. En 2014, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) avait refusé de lui accorder l’asile en raison de soupçons sur sa participation à des violations des droits humains en RDC au début des années 2000, et l’avait signalé à la justice en 2016, déclenchant une enquête pénale.

Ne pas poursuivre et juger les grands criminels sera ni moins ni plus qu’apporter une prime à l’impunité. Aujourd’hui, un juge d’instruction français a rendu une ordonnance de mise en accusation à l’encontre de l’ancien chef de guerre congolais Roger Lumbala Tshitenga pour complicité de crimes contre l’humanité, comprenant notamment des meurtres, actes de torture ou autres actes inhumains, viols comme forme de torture et réduction en esclavage, commis en République démocratique du Congo (RDC) entre 2002 et 2003. Cette mise en accusation est un pas vers la justice pour les survivants d’atrocités de masse en RDC, selon la Clooney Foundation for Justice (CFJ), TRIAL International (TRIAL), Minority Rights Group (MRG) et Justice Plus.

Il s’est avéré que les différents régimes au pouvoir à Kinshasa se sont révélés incapables de poursuivre ces hommes dont la responsabilité pénale était largement engagée. Roger Lumbala a été arrêté à Paris en décembre 2021, et il sera jugé devant une cour d’assises en France pour complicité de crimes contre l’humanité. Son groupe armé, le Rassemblement congolais pour la démocratie Nationale (RCD-N), et ses alliés auraient commis ces atrocités au cours de l’opération militaire « Effacer le tableau » menée dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. Roger Lumbala a plus tard été nommé ministre du Commerce en RDC, poste qu’il occupa entre 2003 et 2005.

Le Président Tshisekedi, à l’accession du pouvoir, a placé son mandat sous le signe de la refondation d’une véritable justice. Certes ces dernières années, les autorités congolaises ont fait des progrès notables dans l’ouverture d’enquêtes et de poursuites judiciaires contre les auteurs des graves crimes commis en RDC. Cela a ressemblé à une goutte d’eau, car l’impunité demeure totale pour les auteurs des atrocités commises au cours des conflits antérieurs et même en cours. Les combats entre les Fardc et le M23, supplétif du Rwanda font des victimes, et cela depuis 2013.

Cependant, cette procédure contre Roger Lumbala a été rendue possible en France grâce au principe du Droit pénal international de compétence universelle. Ce mécanisme veut que certains pays peuvent poursuivre les crimes les plus graves, et ce indépendamment du lieu où ils ont été commis ou de la nationalité de leurs auteurs ou de celle des victimes. En France, la compétence universelle peut s’appliquer aux résidents présents sur le territoire, même s’ils ou elles sont de nationalité étrangère. Résident de longue date en France, Roger Lumbala y avait plusieurs fois demandé l’asile. C’est à la suite de sa dernière demande que la justice française a commencé à enquêter sur son implication dans les crimes commis en RDC lors de l’opération « Effacer le tableau ».

Ce premier procès mis en branle au moyen du mécanisme de la compétence universelle pour des atrocités de masse commises en RDC par un ressortissant congolais n’est qu’un début. On dirait que c’est l’une des rares affaires au monde menées à l’encontre d’un accusé ayant occupé un rang aussi élevé que celui de ministre.

En effet, le Rapport Mapping est un document de plus de 550 pages qui étayent 617 violations graves de droits de l’homme survenues  entre mars 1993 et 2003 sur le territoire de la RDC. Plusieurs dizaines d’experts de Nations Unies (33) de plusieurs nationalités y compris la RDC, une vingtaine d’officiers des droits de l’homme ont concouru à la rédaction de ce rapport de 2008 à 2009. Ils avaient pour mission de collecter des documents et obtenir des informations de témoins afin d’accomplir un triple objectif visé par le mandat du Mapping. Ce Rapport atteste que des graves violations des droits de l’homme ou du droit international humanitaire aient été commises. Voilà qu’à ce jour, le train de la justice contre ces odieux actes longtemps impunis  prend sa marche…

Freddy Mutambayi

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