Entretien avec S.E. Mutombo Bakafwa Nsenda, Ambassadeur de la RD Congo près la Confédération Suisse

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« Le Congo Swiss Business Day est un événement qui cible l’élargissement des partenariats commerciaux. C’est également une plateforme qui explore de nouvelles pistes, notamment dans des domaines cruciaux que la transition énergétique, les défis climatiques, et les avancées technologiques. Cet évènement d’envergure met en lumière les relations bilatérales entre la Suisse et la République Démocratique du Congo, traditionnellement centrées sur la coopération et le développement ». M. Mutombo Bakafwa Nsenda

Congodiplomatie : Excellence, merci d’avoir accepté de répondre aux questions du magazine Congodiplomatie sur l’actualité diplomatique et de coopération bilatérale Suisso-congolaise. Vous êtes le Représentant du Gouvernement congolais et du Chef de l’Etat en Suisse. On a l’idée générale des missions qui vous sont confiées par le gouvernement. Quelles sont les missions qui vous sont concrètement assignées ?

S.E. Mutombo : Son EXCELLENCE Monsieur le Président de la République Félix-Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO a confié à tous les Ambassadeurs la mission de redorer l’image de la RDC pour que le pays retrouve sa visibilité internationale et mettre fin à son isolement diplomatique.

Pour ma part, outre la mission principale confiée à tous les Ambassadeurs le 25 janvier 2024 par le Président de la République, je dois travailler dur pour bâtir des relations qui puissent promouvoir la paix, la sécurité, la prise en compte des intérêts des populations et un partenariat mutuellement avantageux entre la Suisse et la RD Congo.

Ces sont là les grandes lignes de ma mission.

Sous votre mandat, un Président de la Confédération Suisse a foulé le sol congolais et y est resté pendant   cinq jours. Qu’est-ce qui lui avait réellement poussé, à passer autant des jours et des nuits en RDC ?

Sous mon mandat le Président de la Confédération suisse a effectué une visite d’Etat dans mon pays. Le but de cette visite était de rencontrer son Homologue le Président de la République Félix-Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO pour discuter notamment des relations bilatérales et de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO).

Un entretien qui visait « à renforcer les relations bilatérales entre les deux pays ainsi qu’à faire comprendre à la Suisse la situation sécuritaire à l’Est du pays, étant donné qu’elle allait présider le Conseil de sécurité de l’ONU en mai 2024.

C’est pourquoi, le Président suisse s’était rendu au Sud-Kivu et au Nord-Kivu. Les discussions à Goma et Bukavu étaient principalement centrées sur les tâches de la MONUSCO et la protection de la population civile dans les zones de conflit.

Le Président suisse avait échangé sur place avec les autorités à différents échelons et a vu de ses propres yeux les atrocités et crimes commis sur notre sol par les agresseurs.   C’est pour faire tout ce travail, qu’il a passé autant des jours en RDC.

Aujourd’hui, qu’est-ce que l’on peut retenir comme impact de sa visite de cinq jours en RDC, une année après ?

La protection des civils dans les zones de conflit a été au centre de tous les entretiens que le Président suisse a eu en RDC avec toutes les couches de la population. Mais les congolais constatent que ce conflit en RDC connaît un regain de violence avec une intensité encore redoublée.

Ces violences sont étroitement liées à l’exploitation des mines à l’Est du Congo, qui regorgent de minerais indispensables pour la transition écologique des pays occidentaux. Pourtant, cette guerre ne suscite que peu d’intérêt pour la Suisse en particulier et tous les occidentaux en général tant au niveau médiatique qu’auprès de la communauté internationale.

Au vu de la longue tradition diplomatique, la Suisse a organisé une conférence de haut niveau sur la paix en Ukraine les 15 et 16 juin 2024.

Une conférence qui allait servir de plateforme de dialogue pour mener à une paix globale et durable pour l’Ukraine.

Pourquoi avoir pensé uniquement à l’Ukraine au moment où la RD Congo mon pays se trouve aussi confronter à des conflits sanglants de longues décennies ?

Devant le silence complice, beaucoup de congolais se posent la question de savoir si cette visite à l’Est de la RDC a servi à quelque chose.

Excellence ! Comment décrivez-vous les relations commerciales entre Berne et Kinshasa, donc les échanges commerciaux ?

Les relations commerciales entre la Suisse et la RDC sont encore timides. Elles peuvent s’améliorer encore davantage. Mais il faut que l’on applique les règles contenues dans l’accord de coopération pour permettre aux Congolais d’obtenir facilement les visas sollicités afin de visiter la Suisse et d’explorer les opportunités qui s’offrent dans les différents domaines de coopération tant scientifique, technologique, économique que commercial.

Je ne crois pas que tous les demandeurs de visas congolais ne voudraient arriver en Suisse que juste pour s’y exiler. Mais naturellement la Suisse a aussi le droit de demander des garanties, elle ne peut pas laisser n’importe qui entrer sur son territoire.

La Suisse est un pays dynamique sans ressources minières mais, a une économie stable et attractive qui offre toutes les garanties aux investisseurs de tout bord.

La RDC a d’énormes potentiels qui attirent l’attention des sociétés Suisses.  Dans le secteur minier où la Suisse est opérationnelle, je suggère que les sociétés minières suisses et l’Etat congolais puissent travailler dans la transparence.

Il faut que le principe de la traçabilité soit de rigueur pour éviter l’exploitation et l’exportation des minerais de sang. On doit aussi connaitre ce qu’on a exploité chez nous, comment on exporte et ce que la République gagne. Parce qu’en fin de compte, là où on exploite les minerais, ce sont des trous qui restent. Et si la République ne tire pas profit pour pouvoir investir dans d’autres domaines, demain on sera dans la pauvreté totale.

La Chambre de commerce Suisse-RDC organise pour la première fois, le Congo Swiss Business Day à Berne. Quel est votre regard sur cette 4e édition qui se tient en Suisse ?

Le « Congo Swiss Business Day » est un événement qui cible l’élargissement des partenariats commerciaux. C’est également une plateforme qui explore de nouvelles pistes, notamment dans des domaines cruciaux que la transition énergétique, les défis climatiques, et les avancées technologiques. Cet événement d’envergure met en lumière les relations bilatérales entre la Suisse et la République Démocratique du Congo, traditionnellement centrées sur la coopération et le développement.

La 4ème édition jette les bases de l’amélioration des échanges économiques entre la Suisse et la RDC, la promotion de l’image positive du climat des affaires en RDC et l’identification de nouvelles opportunités d’affaires en RDC pour les sociétés suisses et en suisse pour les sociétés congolaises.

Excellence Mutombo, je ne saurais terminer cet entretien sans vous demander de nous parler de vous : Quel a été votre parcours avant de devenir Ambassadeur en Suisse ?

J’ai été Magistrat dans mon pays, j’ai gravi les échelons jusqu’à la Cour Suprême de Justice et en suite Avocat au Barreau.

En 1982, j’ai été élu député national dans la ville de Kananga. Mon rôle joué lors des consultations populaires organisées en 1990 par le Président MOBUTU, a attiré son attention et ce dernier m’a nommé conseiller politique dans son cabinet.  

Dans ce cabinet, nous avons traité plusieurs dossiers se rapportant aux relations entre le Zaïre et la Banque Mondiale, le FMI, le Club de Paris pendant une période d’hostilité entre l’occident et le pouvoir de Kinshasa.

Et bien après, j’ai été nommé Ministre des mines et ensuite reconduit comme Vice-Premier Ministre, Ministre des Mines.

En 2006, le Président KABILA a fait appel à ma personne entre les deux tours de l’élection présidentielle en me nommant Gouverneur du Kasaï-Occidental pour l’aider à améliorer son score électoral. Ce qui fut fait.

Lors de la formation du Gouvernement GIZENGA, j’ai été nommé Ministre de la Justice et en suite Vice-Premier Ministre en charge de la sécurité et défense.

Bien après, le Président KABILA m’a nommé Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire au Brésil où j’ai rempli ma mission pendant six ans.

En 2022, le Président Felix-Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO, m’a nommé Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire   auprès de la Confédération Suisse où j’ai présenté mes lettres de créance le 04 avril 2024.

Propos recueillis par Gomer Oleko

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