« Nous nous réjouissons énormément que l’édition de cette année ait pour la première fois lieu en Suisse. Cela permettra de présenter les opportunités d’affaires en RDC et de faciliter la prise de contact direct avec les entreprises et les investisseurs Suisses ». M. Sarott.
Congodiplomatie : Excellence, merci d’avoir accepté de répondre aux questions du magazine Congodiplomatie sur l’actualité diplomatique et de coopération Suisso-congolaise. Bientôt deux ans, vous représentez la Confédération Suisse dans trois pays africains : la RD Congo, le Congo-Brazzaville et le Gabon. Quelle image gardez-vous jusque-là de cette région si riche en ressources, principalement la RD Congo ?
S.E. Chasper : Tout d’abord, je vous remercie de votre intérêt. La coopération avec les pays de cette région est très importante pour la Suisse et je suis heureux d’en parler avec vous.
Concernant votre première question, je voudrais dire que la République démocratique du Congo, comme ses voisins, est un pays magnifique et énormément intéressant. Ce pays a beaucoup à offrir – de la nature impressionnante, au grand potentiel économique, à la scène artistique et culturelle très active. Ce que j’apprécie le plus en RDC – et en particulier ici à Kinshasa – c’est le dynamisme et l’esprit unique de ses habitants. Les gens sont très créatifs. Il existe une forte volonté de faire bouger les choses – même si les moyens sont parfois modestes. L’Ambassade de Suisse soutient par exemple le centre de santé Saint-Joseph.
Jusqu’à présent, ce centre n’avait pas d’accès à l’eau courante. Pourtant, ils font des opérations et n’ont pas eu un seul cas d’infection et réussissent à fournir des services médicaux vitaux à la population.
Ce fort engagement pour la communauté et la persévérance des gens m’impressionnent beaucoup. Cela me donne espoir pour l’avenir de ce pays, même si la situation actuelle – surtout à l’Est – est difficile.
Comme vous l’avez dit, cette région est extrêmement riche en ressources. Comme nous le savons tous, cela n’a malheureusement pas que des aspects positifs, mais aussi des conséquences négatives.
La Suisse est l’un des plus grands centres de commerce de matières premières. Dans ce contexte, nous sommes conscients de la responsabilité qui nous incombe et nous accordons une importance particulière à une extraction et un commerce des matières premières durable et équitable.
La Suisse soutient par exemple les Principes volontaires sur la sécurité et les droits de l’homme, auxquels la RDC a adhéré l’année dernière.
Il s’agit d’une initiative collaborative regroupant plusieurs gouvernements, des entreprises extractives et des ONG, visant à garantir la sécurité et les droits de l’homme lors des processus extractifs. Le gouvernement de la RDC est en train d’élaborer un plan d’action. La Suisse s’engage aux côtés du gouvernement pour que le potentiel énorme de la région puisse être exploité de manière durable, équitable et transparent, dans le respect des normes. Ceci est une clé pour la prospérité durable et pour attirer des nouveaux investisseurs. La population congolaise doit bénéficier de la richesse du pays.
La Suisse apporte de l’aide humanitaire considérable en RDC. Si nous devons évaluer cet apport durant les deux dernières années, à combien pouvons-nous estimer le taux d’augmentation ou de diminution ?
La Suisse est profondément préoccupée par l’escalade de la violence à l’Est de la République Démocratique du Congo, notamment au Nord-Kivu et en Ituri, ainsi que par l’impact sur la population civile, résultant en une situation humanitaire alarmante.
La Suisse est convaincue qu’il est de la responsabilité de tous les acteurs, tant du gouvernement de la RDC, de la communauté internationale et de la société civile, d’apporter une contribution à la réponse humanitaire afin de réduire les souffrances des personnes affectées par le conflit.
La protection des civils se trouve au cœur de l’engagement Suisse. Ces dernières années, l’aide humanitaire de la Suisse en RDC s’est élevée à environ 12 à 13 millions de CHF par an.
Cette année, un budget additionnel de 1 million CHF a pu être accordé en vue de la crise.
La Suisse, étant l’un des rares pays à disposer d’un bureau de coopération directement à Bukavu, suit de près la situation sur le terrain. Cependant, l’aide humanitaire ne constitue qu’une partie de notre engagement en RDC.
En réalité, nous suivons une approche dite du « triple nexus », qui repose non seulement sur l’aide humanitaire, mais aussi sur la coopération au développement et la promotion de la paix.
Cette approche reconnaît l’interconnexion des efforts humanitaires, de développement et de consolidation de la paix pour renforcer la résilience et la stabilité dans les régions touchées par les crises. Bien que l’aide humanitaire soit cruciale pour répondre aux besoins urgents et aux conséquences directes du conflit, une solution politique est également nécessaire pour mettre fin à la violence. C’est pourquoi nous soutenons des processus de paix tels que celui de Luanda. Il est également important pour la Suisse de promouvoir le développement durable.
Nous le faisons par exemple en collaborant dans les domaines de la santé et de l’éducation. Seule une combinaison de ces instruments peut contribuer à une paix à long terme et assurer la prospérité durable et équitable.
Au cours de votre mandat actuel, un président Suisse a visité pendant cinq jours la RDC, de Kinshasa à Bukavu. Que peut-on retenir comme impact de cette visite historique et consolatrice, une année après ?
Vous avez raison, cette visite de notre Président de la confédération, Alain Berset, était effectivement historique. Le Conseiller fédéral Berset a non seulement visité Kinshasa, mais s’est également rendu dans le Nord- et le Sud-Kivu. Il a rencontré le Président Tshisekedi, ainsi que des gouverneurs locaux et des représentants de l’église. Il a eu un échange avec des acteurs de la société civile, des acteurs humanitaires et s’est rendu dans un camp de réfugiés.
Grâce à cette visite, le gouvernement Suisse a pu approfondir sa compréhension de la situation politique, économique et humanitaire en RDC.
Sur cette base, la Suisse peut mieux orienter son engagement dans le pays, y compris ses prises de positions fortes au conseil de sécurité de l’ONU.
La visite détaillée illustre également l’importance que la Suisse accorde aux relations bilatérales avec la RDC. Je suis convaincu que cette visite a considérablement renforcé les liens entre nos deux pays.
Excellence ! Comment décrivez-vous les relations commerciales entre Berne et Kinshasa, donc les échanges commerciaux ?
Des entreprises Suisses importantes – par exemple Glencore, Roche ou Sicpa, sont présentes en RDC. En fait, Glencore est l’un des plus grands investisseurs en RDC et garantit ainsi un grand nombre d’emplois. Nous, à l’Ambassade de Suisse, ainsi que la chambre de commerce Suisse-RDC, nous engageons à renforcer et à développer les relations économiques entre nos deux pays. Nous considérons le potentiel économique du pays comme étant très important – la RDC est l’un des pays les plus riches en ressources et en potentiel d’investissement. Mais malheureusement, il y a aussi des défis considérables.
Malgré des efforts, le climat des affaires en RDC reste difficile, ce qui dissuade des entreprises, y compris Suisses, d’investir. Nous le regrettons fortement, car nous voyons un grand potentiel de synergie entre nos deux pays. Malgré les défis, nous restons engagés et prêts à les affronter ensemble, pour le bien de nos deux pays. Nous croyons dans une collaboration gagnante – gagnante.
La Chambre de commerce Suisse-RDC organise pour la première fois, le Congo Swiss Business Day à Berne. Quel est votre regard sur cette 4e édition qui se tiendra en Suisse ?
Nous nous réjouissons énormément que l’édition de cette année ait pour la première fois lieu en Suisse. Cela permettra de présenter les opportunités d’affaires en RDC et de faciliter la prise de contact direct avec les entreprises et les investisseurs Suisses. Pendant deux jours, la chambre de commerce a organisé plus de 9 ateliers d’échange ainsi que plus de 50 participants à des panels. Nous croyons que cette plateforme est précieuse pour renforcer la collaboration entre nos deux pays.
Les participants peuvent non seulement établir des contacts, mais aussi approfondir leurs connaissances sur des sujets spécifiques. Le Congo Swiss Business Day de cette année est consacré en particulier à la transition énergétique, aux défis climatiques, aux avancées technologiques et au climat des affaires en RDC. Ce sont des thèmes qui sont clés car ils sont essentiels pour créer une économie forte et durable. Plusieurs entreprises Suisses, mais aussi les universités, possèdent des compétences uniques dans ces domaines spécifiques. Nous voyons des possibilités de coopération, par exemple dans le domaine hydroélectrique, ainsi que dans la protection des forêts et l’adaptation aux changements climatiques.
Que préconisez-vous personnellement pour attirer plus d’investissements suisses en RDC ?
Je pense que des événements comme le Congo Swiss Business Day peuvent être très utiles pour attirer plus d’investissements Suisses.
Les événements pareils sont surtout importants pour influencer la perception que le monde a de la RDC.
Nous souhaitons contribuer à un changement ou un élargissement du narratif traditionnel et montrer que la RDC possède un grand potentiel dans différents domaines – c’est quelque chose que malheureusement beaucoup d’acteurs ne réalisent pas, ou pas suffisamment.
Certes, les défis ne manquent pas, mais il n’y a pas que des défis. Donc, la communication joue un rôle très important. En outre, je suis convaincu que les entreprises qui sont déjà actives en RDC sont les meilleurs ambassadeurs.
Pour attirer plus d’investissements, il est crucial de montrer leurs histoires de réussite. Cependant, pour diffuser une image positive, il est également important que les entreprises puissent opérer sans entraves.
Nous, en tant qu’Ambassade Suisse à Kinshasa, ainsi que la Chambre de commerce Suisse-RDC, nous efforçons de soutenir autant que possible les entreprises Suisses sur place.
Nous offrons des possibilités d’échange entre elles et le réseau de « Swiss Global Enterprise » avec les « Swiss Business Hubs » peut également fournir des appuis en cas de besoin.
Enfin, je dois souligner une fois de plus que l’amélioration du climat des affaires est probablement la mesure la plus prometteuse pour attirer d’investissements.
Souhaitez-vous évoquer un autre sujet, ou émettre un souhait pour l’avenir ?
En tant que représentant de la Suisse, qui défend constamment le respect du droit international humanitaire, je ne peux pas éviter de brièvement aborder la situation actuelle à l’Est du pays. Nous sommes très préoccupés par le manque de respect de ces principes ainsi que l’aggravation de la crise humanitaire.
La Suisse s’efforce de fournir une aide humanitaire autant que possible. Cependant, cela ne fait que traiter les conséquences du conflit et non le conflit lui-même. C’est pourquoi nous sommes également actifs au niveau politique – par exemple dans le conseil de sécurité des Nations Unies.
Nous condamnons toute violence contre les civils et insistons sur une solution politique. Le dialogue est la seule voie, c’est pourquoi nous soutenons le processus de Luanda qui vise à promouvoir le dialogue entre la RDC et le Rwanda.
Nous condamnons la violation de l’intégrité territoriale de la RDC et appelons le Rwanda à cesser son soutien au M23 et à retirer ses soldats.
Cependant, nous espérons également que le gouvernement de la RDC prend la responsabilité pour assurer la sécurité dans l’Est et s’engage de manière constructive pour résoudre le conflit.
Propos recueillis par Gomer Oleko
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